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Photo du rédacteurAnne-Gaël Gauducheau

Le cheval, lui, savait


Milton Erickson était un grand raconteur d’anecdotes -véridiques ou inventées, on ne sait pas toujours- et les praticiens en hypnose connaissent un bon nombre de ces courtes histoires. Notamment, la fameuse anecdote du cheval trouvé et dont on ne connaissait pas le maitre.

On ne savait pas à qui rapporter ce cheval.

Milton Erickson raconte qu’il monte en selle, lâche la bride, laisse le cheval aller.

Quand il arrive dans la cour de la ferme du propriétaire l’homme, étonné, demande :

-Comment m’avez-vous trouvé ? Comment saviez -vous où aller ? Et Erickson de répondre :

-Je ne savais pas : le cheval, lui, savait.

Ce motif du cheval qui sait où aller est assez courant dans les contes traditionnels.

Quelques fois, ça peut être un autre animal.

Bruno de la Salle, avec qui j’ai déjeuné ce dimanche, me raconte au dessert cette histoire, dans lequel ce motif existe, mais avec une vache.

Amis hypnos, amis conteurs, je vous en souhaite bonne lecture !

C’était au temps ou survivre était difficile. C’était la famine et la guerre. Il fallait quitter son pays, partir, partir et repartir encore en espérant enfin trouver de quoi manger avant les autres. On se rassemblait en tribus dans l’espoir d’être protégé et même quelques fois nourri. On se soumettait à des chefs tant rester seul en ces périodes voulait dire qu’on était perdu. Une fois encore la tribu dut fuir le lieu qui ne voulait plus d’elle. Et comme dans les temps anciens quand la famine sévissait, le chef ordonna aux familles d’abandonner tous les vieillards pour espérer sauver les autres et il fallut lui obéir. Un jeune homme n’avait pas pu se résoudre à cet abandon. Il ne pouvait pas supporter l’idée d’abandoner son père. Il l’avait caché dans un sac qu’il allait porter sur son dos. Son père serait son bagage. Et la troupe avait pris la route.

La nuit venue, il avait pris soin de son père, lui avait raconté la route, puis au matin, l’avait recaché dans son sac et l’avait remis sur son dos. Il fallut traverser un désert. Les réserves d’eau s’épuisèrent. On envoya les jeunes gens en chercher. Aucun d’eux ne put en trouver. Le soir chacun rentra dans son abri. Comme il le faisait chaque nuit depuis le départ, le fils prit soin de son père et lui raconta la journée : Les membres de la tribu allaient mourir de soif si l’on ne trouvait pas d’eau. Le vieux père se rappela ce que l’on faisait dans ces cas : On laissait aller une jeune vache dans le désert. Et c’était elle qui trouvait l’eau qui se cachait dessous la terre.A l’aube, le fils fit ce que son père avait dit et la génisse trouva l’eau qui se cachait dessous la terre. Les membres de sa tribu étaient sauvés. La troupe se remit en marche.

Le soir venu, le chef de la tribu demanda au jeune homme qui lui avait appris ce secret et le jeune homme répondit que c’était une voix qui lui avait parlé pendant la nuit.

Ils traversèrent le désert et pénétrèrent dans un marécage. Une pluie froide se mit à tomber si fort et pendant si longtemps qu’il devint impossible de faire du feu. Les membres de la tribu étaient transis et tombaient malades les uns après les autres. Les jeunes gens virent briller un feu sur une montagne au lointain. Ils s’en allèrent chercher des buches enflammées et les rapportèrent. Mais à chaque fois, les buches s’éteignaient pendant le retour.

Ce soir-là, comme tous les soirs, le fils prit soin de son père et lui raconta la journée : Tous les membres de la tribu allaient tomber malades si l’on ne pouvait pas allumer de feu pour les réchauffer. Les jeunes gens ne pouvaient pas garder enflammés les buches qu’ils ramenaient de la montagne. Le père se souvint de ce qu’il avait vu autrefois: c’était emporter les braises dans un pot de terre. Elles restaient ainsi à l’abri pendant longtemps.A l’aube, le fils fit ce que son père avait dit et il rapporta des braises avec lesquelles on fit un grand feu qui réconforta tout le monde. La tribu était à nouveau sauvée. La troupe se remit en marche.

Le soir venu, le chef de la tribu demanda au jeune homme qui lui avait appris ce secret et le jeune homme répondit que c’était une voix qui lui avait parlé pendant la nuit.

Ils traversèrent le marécage et arrivèrent devant une haute montagne en forme de cirque et dont les flancs intérieurs très abrupte qui entourait un lac qu’elle rendait presqu’inaccessible. Au fond de ce lac brillait une coupe d’or étincelante. Le chef de la tribu pensa qu’avec un objet d’une telle valeur il obtiendrait en la vendant l’argent qui les mettraient, lui et sa tribu à l’abri de tout besoin. Il offrit de récompenser celui qui plongerait d’en haut de la montagne pour l’atteindre et la rapporter. Les plus audacieux commencèrent à se battre pour être le premier à essayer. Celui qui plongea le premier fut le premier à disparaître. Le deuxième hésita un peu et il disparut lui aussi. Pour les suivants, ce fut le chef qui les obligea et ceux-là aussi disparurent. Il ne resta aux derniers que le choix de mourir en haut ou en bas. Ce qui fit que c’est en bas qu’ils disparurent comme les autres. Arriva le tour de celui qui cachait son père dans son sac. Par bonheur la nuit arriva. On remit la chose au lendemain.

Ce soir là, comme tous les soirs, il prit soin de son père et lui raconta la journée :En bas de la montagne se trouvait un lac à fond duquel on pouvait voir un vase d’or qui scintillait. Le chef de la tribu avait promis une récompense à celui qui la lui rapporterai. Beaucoup de ses compagnons avaient déjà plongé et aucun n’étaient revenu. Et le lendemain ce serait son tour. Il s’en venait lui dire adieu.Le père se souvint de ce qu’un chasseur avait vu autrefois dans d’autres montagnes : Dans les lacs de ces montagnes se reflétait les bouquetins qui se trouvaient sur les sommets. On croyait les voir bondir au fond de l’eau. Le fils comprit qu’il en était de même pour la coupe. Comme les bouquetins, elle n’était pas au fond du lac mais au sommet. Il allait la trouver là haut en grimpant plutôt qu’en plongeant et c’est ce qu’il fit. Il trouva la coupe et la rapporta. Les malheurs étaient terminés. Grâce à ce que savait le vieux père, le fils avait trouvé la coupe et par cet exploit, il avait sauvé la tribu.Le soir venu, après la cérémonie funèbre et la fête qui s’en suivit, le chef de la tribu demanda une fois encore au jeune homme qui lui avait appris ces secrets et le jeune homme répéta encore que c’était une voix qui lui avait parlé pendant la nuit. Mais il ajouta que c’était celle d’un vieil homme bien vivant, que c’était celle de son père, sans la connaissance duquel la tribu serait morte depuis longtemps.

Il ouvrit le sac, fit sortir son père et depuis lors on se souvient.

Références :

Ma voix t’accompagnera, textes recueillis et commentes par Sydney Rosen, ed. H et G.

Le conteur amoureux, Bruno de la salle, ed. du Rocher

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