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Donne-moi à manger, puis va dormir


-Donne-moi à manger, puis va dormir.

C’est ainsi que dans le conte merveilleux « Vassilissa la très belle » (transmis par le grand collecteur russe Alexandre Afanassiev -chercher aux éditions Imago, traduction Lise Gruel-Apert) la poupée parle à Vassilissa.

Vassilissa depuis toute petite range la maison, lave les vêtements, prépare à manger, va chercher du bois pour le feu : dans la vie quotidienne, elle est efficace. Et même dans l’autre monde, celui de la magicienne, elle sait allumer les torches, donner à manger au chat, au chien au coq, balayer la cour, nettoyer l’isba. Mais Baba Yaga exige :

-« Et quand tu auras fini tout ça, viens voir : dans la réserve, je veux que tu sépares les grains de blé abimés par la rouille des bons, dont je veux faire de la farine. Si tu fais ce que tu dois d’ici demain matin, tu seras récompensée. Sinon, je te mangerai. »

C’est un travail pour la poupée.

Toujours cachée, rangée le plus souvent dans sa poche du tablier de Vassilissa, la poupée parle.

Hors de portée de la peur, elle sait qui est Baba Yaga et le trésor inestimable dont elle rémunère le travail bien fait. Elle sait s’orienter dans la forêt, sait quand il faut questionner ou se taire, tenir ou lâcher, quand il faut rester ou partir. Il suffit de lui donner à manger et de lui demander son aide.

-Un jour, après que j’ai raconté Baba Yaga en public, une institutrice me dit de la manière la plus sérieuse du monde: « c’est bien hein, votre histoire, là, mais faudrait pas trop dire ça à mes élèves que le plus important du travail se fait quand on dort…ils dorment bien assez comme ça en classe ! »

(…)

Ce conte merveilleux, comme la maison de Baba Yaga, regorge de trésors, de jeux de piste pour notre inconscient réjoui.

Je ne le dissèquerai pas (faites-le vous raconter par un bon conteur, c’est mille fois plus utile…et agréable !). Soulevons juste ce petit cailloux-là :

La personne, avec sa conscience quotidienne, peut bien essayer de résoudre le problème, elle ne peut pas le faire et c’est normal : la question est trop vaste pour son champ de vision.

Le travail ne peut pas être embrassé par la conscience quotidienne, qui pour être efficace, est très limitée (nous marchons sans y penser, débrayons et passons les vitesses sans y réfléchir, laissons dans un texte notre cerveau rectifier l’ordre des lettres d’un mot déformé pour qu’il fasse sens, etc.)

Dans notre effort de mise en forme des milliards d’informations qui arrivent à notre cerveau depuis que nous sommes en vie, nous avons sans cesse posé des limites à notre conscience de veille.

Nécessaires (et dans un premier temps vitales) adaptations à la famille dans laquelle nous sommes nés, à notre milieu, à la culture du pays et l’époque dans laquelle nous vivons, ces limites sont souvent celles de nos grandes valeurs, de nos croyances, de nos habitudes.

Pour réaliser les travaux exigés par Baba Yaga, il nous faut accepter de l’aide : laisser faire une autre partie de nous-même. Cette autre partie, chaque tradition la nomme à sa façon.

Et vous, comment l’appelez-vous ?

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